|  TOBS!

Musique vibrante

Le magazine de l’association suisse des malentendant·e·s, a réalisé une interview avec notre responsable de l’inclusion Christroph Brunner.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire derrière l’idée de proposer des spectacles avec des gilets vibrants ? Comment ce concept a-t-il vu le jour ?

Les gilets vibrants sont utilisés depuis quelques années au sein de la scène du gaming mais aussi des clubs, surtout dans les milieux anglo-saxons. Dans le domaine des concerts classiques, ils sont encore plutôt rares. En effet, en Suisse, seul le Sinfonietta Lausanne possède un set de gilets que nous empruntons pour nos représentations. Chez TOBS!, nous avons des offres pour les personnes malvoyantes, aveugles et neurodivergentes, mais aussi des productions théâtrales avec interprétation en langue des signes. Toutefois, jusqu’à récemment les personnes sourdes et malentendantes étaient exclues du domaine des concerts. En ce sens et afin d’inclure ces personnes, nous avons commencé à expérimenter les gilets de Lausanne et souhaitons développer progressivement cette offre. 

Pouvez-vous décrire le fonctionnement et l’expérience pour les personnes sourdes avec les gilets vibrants ?

Les gilets transmettent les oscillations de la musique en vibrations qui sont transmises au corps. La musique est donc captée par un microphone et le signal est transmis à de petits oscillateurs intégrés dans le gilet. Ceux-ci fonctionnent de la même manière qu’un haut-parleur, sauf qu’ils ne parlent pas fort, mais doucement… les gilets sont portés près du corps, de manière à ce que les vibrations soient bien perceptibles sur les os comme les omoplates, les clavicules ou les hanches, mais aussi sur le ventre ou la poitrine.
Les gilets réagissent très précisément aux changements de volume sonore, ce qui permet de ressentir très nettement les montées ou les passages très rythmés. Malgré la distance par rapport à l’orchestre, le son transmet directement au corps – c’est aussi une expérience formidable pour les personnes entendantes!

Quels ont été les plus grands défis lors de la mise en œuvre des gilets vibrants et comment les avez-vous surmontés?

Il reste des obstacles techniques. De fait, les hautes fréquences ne sont pas transmises par les gilets, la musique jouée par un grand nombre de personnes produit souvent un tapis de résonance uniforme. Il y a également certaines personnes qui préfèreraient sentir les vibrations sur l’entièreté du corps et pas uniquement à certains endroits. Pour cela, nous avons développé certaines solutions comme la transposition de certaines fréquences, le choix de certains morceaux ou l’utilisation d’outils supplémentaires comme les ballons, qui sont également un plus pour les personnes entendantes. 

Le grand défi reste de savoir comment créer un lien émotionnel avec la musique: la vibration physiquement perceptible ne suffit pas à garantir le plaisir artistique. Dans la scène des clubs, c’est moins important, les gens y vont pour danser. Alors que pour la musique de concert, le rapport à la musique et aux interprètes doit être établi différemment. Pour le moment, nous essayons de le faire principalement par le biais de textes (que ce soit des paroles de chanson ou une présentation). Une traduction de la musique en langue des signes peut également aider. 

 

Avez-vous des conseils à donner à d’autres personnes qui envisagent d’utiliser des technologies similaires ou de mettre en place des offres permettant l’inclusion ?

Au-delà des défis déjà décrits, deux choses me semblent essentielles. La première est l’échange permanent avec les personnes concernées. C’est le seul moyen pour une organisation de savoir si ses mesures sont bien accueillies par le groupe cible et si elles répondent à ses besoins. La deuxième, je recommande à tous·tes les acteur·rice·s de partager leurs expériences et leur matériel, de promouvoir ensemble les offres et d’ancrer durablement le savoir-faire dans les institutions.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les réactions que vous avez reçues?

Dans un premier temps, l’importance d’une référence visuelle: les visiteur·ice·s veulent voir qui produit le son qu’ils·elles sentent sur leur corps. Et cette association n’est pas si simple pour les personnes malentendantes – il se passe tellement de choses à la fois, surtout dans un orchestre symphonique… 
Puis, la question du contenu ou du sens d’un morceau m’a également interpellé. De fait, nous les entendant·e·s, nous nous laissons souvent entraîner dans un morceau, même sans informations de fond. 

Pouvez-vous nous raconter une expérience ou une histoire d’une personne malentendante qui utilise un gilet vibrant vous ayant marqué ?

Ma première rencontre avec les gilets vibrant a eu lieu lors d’une répétition ouverte du Sinfonietta Lausanne. Les spectateur·ice·s, malendant·e·s ont pu essayer différents modèles de gilets vibrants, se déplacer dans l’orchestre et toucher les instruments pendant qu’il jouait, etc.  L’atmosphère était détendue et la communication en langue des signes et en langue parlée était animée, quand soudain deux spectateurs ont montré une musicienne du doigt, tout excités. Pendant son solo, la clarinettiste avait bougé doucement tout son corps d’avant en arrière, ce qui a particulièrement touché les deux spectateurs sourds de naissance. Le fait que jouer de la musique en soit fasse bouger une musicienne a de toute évidence marqué ces deux personnes qui étaient chamboulées, tellement qu’elles ont posé beaucoup de questions sur cette petite «danse» à la musicienne pendant la pause. 

Jusqu’à présent, quelles ont été vos expériences les plus belles/intéressantes avec la langue des signes et/ou les personnes sourdes et malentendantes?

Cela fait déjà un certain temps: il y a 20 ans, j’ai pu concevoir un programme solo pour le festival Figura à Baden. J’ai été particulièrement attiré par le lien entre les gestes musicaux et les gestes linguistiques de la langue des signes, c’est ainsi qu’est né par la suite un programme en duo avec Brigitte Schöckle (actuelle directrice de l’IGGH). C’était ma première collaboration de ce type, et elle était à la fois très touchante et stimulante. 

Qu’espérez-vous pour la suite du programme ? Y a-t-il de nouvelles idées ou initiatives que vous attendez avec impatience ?

Nous aimerions pouvoir organiser davantage d’offres et les adapter encore mieux aux besoins des personnes sourdes et malendantes. De plus, je rêve que l’inclusion soit également sur scène et qu’à l’avenir, nous puissions travailler avec des artistes sourd·e·s dans les productions. 

«Depuis 2021, je suis responsable de l’inclusion chez TOBS! et en parallèle délégué à l’égalité des chances et de l’inclusion à la Haute école des arts de Berne HEAB. Chez TOBS!, je m’occupe des questions d’accessibilité relatives à nos représentations mais aussi de l’accessibilité des bâtiments. Je suis également chargé de la communication concernant ces questions. À la HEAB, je dirige aussi une formation continue sur l’enseignement musical pour les personnes en situation de handicap (CAS Enseignement musical et besoins particuliers).»

 

Christoph Brunner, Responsable de l'inclusion et de la diversité

NOW

Que se passe-t-il chez TOBS!? NOW est notre blog qui vous emmène dans les coulisses et vous tient au courant des dernières nouvelles.