|  2025/26 Danse

Les contrastes en mouvement

Tous les deux ans, Steps, Festival de danse du Pour-cent culturel Migros, organise des tournées avec des œuvres de première qualité, représentatives de la création actuelle en danse contemporaine. Pendant près de quatre semaines, la Suisse se transforme en plateforme dédiée à la danse contemporaine, avec des représentations de compagnies venues d’ici et d’ailleurs. La 20ème édition de Steps aura lieu du 5 au 29 mars 2026.

Steps: Twi/light

Rachelle Anaïs Scott, artiste NEXT STEPS, St.Gallen Dance Company
Marioenrico D'Angelo, artiste NEXT STEPS, Bern Ballett
Valeria Felder, directrice de Steps: festival de danse du Pour-cent culturel Migros

Que peuvent attendre les spectateur·rice·s de la soirée de danse «Twi/light»?

Marioenrico: Ce soir-là, le public aura l'opportunité de découvrir non seulement deux créations de chorégraphes différent·e·s, mais également deux compagnies de danse suisses de renom. Cela promet une grande diversité sur scène. Notre objectif est de créer des œuvres qui mettent en valeur le talent des danseur·euse·s avec lesquels·les nous collaborons, qui reflètent notre vision chorégraphique et qui captivent le public.

Rachelle: «Twi/light» explore les moments de transition – ces instants où les choses se déplacent entre présence et absence, visible et invisible. Mon œuvre, «Vanishing Point», existe dans cet espace intermédiaire où le familier se dissout et où la perception commence à se transformer. Le public ne verra pas seulement du mouvement, il ressentira aussi la tension du passage, la désorientation face à des réalités en mutation. C’est une invitation à embrasser l’inconnu – non pas comme source de peur, mais comme un espace où de nouvelles possibilités émergent.

Y a-t-il des émotions ou des réflexions particulières que vous souhaitez éveiller chez le public?

Rachelle: Ce n’est pas une seule émotion, mais un mélange – curiosité, malaise, nostalgie, reconnaissance. Je veux que le public ressente une impression de glissement, comme si quelque chose lui échappait au moment même où il pense le saisir. Dans cette tension réside une intensité silencieuse – ce moment précis où l'on se tient à la limite du connu, tout en percevant l'appel irrésistible de l'inconnu. Si «Twi/light» laisse plus de questions que de réponses, alors le public aura pénétré l’espace où l’œuvre prend réellement vie.

Marioenrico: Le crépuscule, pour moi, est ce moment où tout devient calme – la journée s’achève, mais la nuit n’est pas encore là. C’est un instant où l’on est simplement présent – sans pensées ni incertitudes sur l’avenir, sans regrets du jour passé. De même, l’aube est le dernier moment de quiétude avant qu’un nouveau jour ne commence. C’est un instant magique où le ciel se métamorphose – de l’orange au bleu, du jaune au violet. J’espère que les danseur·euse·s incarneront ce sentiment avec audace et le transmettront au public.

Comment est née la collaboration entre Bern Ballett et St.Gallen Dance Company pour ce projet?

Valeria Felder: Cette collaboration est née à l’initiative de Steps: festival de danse du Pour-cent culturel Migros. Avec le projet pilote NEXT STEPS, l’objectif de Steps est d’offrir aux talents établis en Suisse une plateforme leur permettant de présenter leurs œuvres avec des compagnies de plus grande envergure. Il est souvent difficile pour les chorégraphes de surmonter seul·e·s les défis organisationnels et financiers liés à la direction d’une compagnie. C’est pourquoi nous voyons dans la coopération avec des théâtres municipaux, comme ceux de Berne et de St-Gall, une situation gagnant-gagnant. Ces deux théâtres, partenaires de longue date de Steps, ont immédiatement été séduits par notre vision visant à soutenir durablement la carrière des chorégraphes en leur offrant des conditions de production professionnelles. Ensemble, nous souhaitons faciliter la transition des artistes entre la scène, la création et leur permettre d’acquérir une expérience précieuse au sein de grandes compagnies.

Quels sont les défis et les opportunités de cette coopération?

Marioenrico: Ce projet m’a déjà apporté de précieux enseignements – à travers la collaboration avec les directions artistiques, les équipes, ainsi qu’avec les concepteur·rice·s de décors, costumes, lumières, et bien d’autres encore. Mon objectif est de fournir aux danseur·euse·s les outils nécessaires pour s’immerger dans mon langage chorégraphique et ma vision, et je suis convaincu que j’apprendrai aussi beaucoup d’eux·elles. Steps, Bühnen Bern et St.Gallen Dance Company nous offrent non seulement l’opportunité d’exprimer notre perspective artistique, mais aussi leur confiance, ce qui constitue un cadeau inestimable.

Rachelle: Chaque aspect de cette collaboration regorge de potentiel. La beauté réside dans l’inconnu – ce que nous créons ne se révèle pleinement qu’au fur et à mesure de l’exploration. À chaque étape, nous découvrons quelque chose d’inattendu et d’inspirant. C’est précisément ce qui constitue aussi un défi: faire confiance au processus et laisser l’œuvre émerger naturellement.

Vos chorégraphies explorent des dualités comme le jour et la nuit, la joie et la douleur. Qu’est-ce qui vous a inspiré à travailler sur ces contrastes et comment les traduisez-vous en danse?

Rachelle: Ces contrastes sont indéniables. Notre vie est constamment façonnée par ces oppositions – entre tristesse et amour, chaos et silence, lumière et ombre. Ils n’existent pas séparément, mais sont intimement liés. «Vanishing Point» joue avec cette interaction – à travers des déplacements de poids, des corps qui résistent et cèdent, des moments de clarté qui s’évanouissent avant d’être pleinement saisis. L’expression ne réside pas dans le choix d’un pôle plutôt qu’un autre, mais dans l’acceptation de leur coexistence.

Marioenrico: Les danseur·euse·s créent et déconstruisent des images cinétiques d’eux·elles-mêmes de par le mouvement, se perdant et se retrouvant sans cesse dans un processus perpétuel d’auto-réinvention. Ils·elles incarnent l’image même de la nature, dont les forces créatives oscillent constamment entre l’être et le néant, la vie et la mort, la lumière et l’obscurité. C’est précisément dans ces moments sensibles de transition, entre ces oppositions, lorsque ce qui était devient inévitablement ce qui sera, que la danse s’épanouit comme une métamorphose.

Comment abordez-vous une nouvelle chorégraphie? Partez-vous avec une idée précise, d’une musique ou préférez-vous commencer par une exploration corporelle?

Marioenrico: Chaque processus de création est différent, et j’aime cette diversité. Parfois, tout commence avec une musique qui me touche et me guide. D’autres fois, j’expérimente des qualités de mouvement, comme un jeu sans but précis. Et parfois, tout naît d’un concept ou d’un message que je souhaite transmettre au public. Je m’efforce de rester ouvert à différentes voies créatives, tout en restant fidèle à mon élan initial: ma passion pour le mouvement et mes idées.

Rachelle: Je pars d’une question, d’un désir d’explorer quelque chose qui reste flou. Souvent, la musique crée l’atmosphère qui porte l’œuvre. Le mouvement naît de l’instinct, de la manière dont une idée s’inscrit dans le corps avant même de prendre forme. Il s’agit d’écouter – ce qui est ressenti, mais pas encore formulé. Les danseur·euse·s participent pleinement à la création; leurs interprétations enrichissent la pièce au-delà de ce que j’aurais pu imaginer seule. Ce n’est pas un processus de contrôle, mais de découverte.

Quels sont vos prochains projets ou vos visions pour l'avenir?

Rachelle: Me confronter en permanence à l’incertitude. Je suis attirée par des œuvres qui refusent de se figer, qui continuent d’évoluer. Mon désir est de créer des pièces qui ne se limitent pas à une seule soirée, mais qui résonnent dans le corps, dans la pensée, dans la mémoire. Ma vision est de concevoir des œuvres qui invitent non seulement le public, mais aussi les artistes à entrer dans cet espace – un espace où l’exploration ne s’achève jamais et où les questions restent vivantes bien après la fin du mouvement.

Marioenrico: Je souhaite continuer à créer des chorégraphies pour des théâtres et des compagnies de danse, tout en lançant mon propre projet indépendant ici en Suisse. La danse est ma passion et mon métier depuis 17 ans, aussi bien en tant que danseur que chorégraphe, et j’espère pouvoir consacrer le reste de ma vie à exprimer mes idées et ma personne à travers le mouvement. Partager mon art avec le public est une immense joie et un privilège, et passer du temps avec d’autres danseur·euse·s en studio est ce qui m’anime le plus. J’ai la chance d’avoir deux projets prévus pour l’année prochaine, dont l’un dans le cadre de NEXT STEPS avec St.Gallen Dance Company. Mais chaque chose en son temps – pour l’instant, place au Bern Ballet!

Rachelle Anaïs Scott, St.Gallen Dance Company, «Vanishing Point»

Steps est synonyme d’excellence et de diversité stylistique. La diversité et l’inclusion jouent par ailleurs un rôle central dans notre programme. Nous abordons des thèmes sociétaux et encourageons une création chorégraphique innovante. Le festival peut également donner des impulsions: de nombreuses œuvres sont le fruit de coproductions et présentent leur première dans le cadre de la biennale.

Marioenrico D’Angelo Bern Ballet, «Night Shining Clouds»

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